Terra Incognita
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Il ya de nombreuses années, j’ai monté l’escalier en colimaçon menant au balcon reliant les deux tours de la façade ouest de la cathédrale Notre-Dame de Paris. De là, vous pourrez voir de nombreux sites emblématiques de la ville: la tour Eiffel, la basilique du Sacré-Cœur, l’Arc de Triomphe, la Seine qui coule sur l’île de la Cité.
Une inspection minutieuse des gargouilles et des chimères festonnant les tours est tout aussi captivante que cette vue à grande portée et grand angle. Longeant les murs, les longs cous de gargouilles évacuent l’eau de la pierre ancienne; les chimères – à cornes, à ailes, talonées, à plumes; des bêtes qui n'ont jamais existé – sont là pour conjurer le mal.
Mais aucun d'entre eux ne pouvait protéger le bâtiment du XIIe siècle de la fureur d'un élément différent hier. Heureusement, les tours sont toujours debout, mais elles ont commencé l'après-midi et se sont déchaînées toute la nuit, ont consumé le toit et renversé la flèche.
Feu dans le coeur
Je sens que les parisiens qui bordent les quais de la Seine sont témoins de la conflagration, ces flammes voûtées se reflétant dans leurs larmes. Il en va de même pour des millions d'autres sympathisants du monde entier, car il s'agit d'un bâtiment gravé dans la conscience collective, un site du patrimoine mondial de l'Unesco visité par des millions de personnes chaque année.
Hyperbole mise à part, sa destruction est une véritable tragédie. Notre Dame est le coeur non seulement de Paris, mais aussi de la France, et pas seulement dans un sens abstrait: la plaque de cuivre enfoncée dans le sol en dehors de la façade ouest marque le centre-ville et le point à partir duquel l'éloignement de Paris de toutes les destinations est mesuré.
Mais dans le deuil, rappelons-nous que ce cœur battra encore.
Si vous regardez au nord depuis notre bureau de Londres, vous pourrez voir de l’autre côté de la Tamise les tours de la façade ouest de la cathédrale Saint-Paul. La cathédrale – un lieu de poids culturel comparable à Notre-Dame – en est maintenant à sa quatrième incarnation. Le chef-d'œuvre de Sir Christopher Wren a été construit à la fin du XVIIe siècle après la destruction de son prédécesseur… par le grand incendie de Londres.
Des récits contemporains décrivent le plomb en fusion coulant du toit du Vieux St Paul dans le dédale de rues en-dessous, provoquant l’éclat des trottoirs comme des coulées de lave. L'enfer était si intense que les témoins d'un rayon de 200 mètres ne pourraient pas affronter les flammes.
Symboles de résilience
Il nous a fallu 35 ans pour que le Saint-Paul que nous connaissons aujourd’hui renaisse de ses cendres – mais c’est le cas, un phénix irrépressible, comme il l’avait déjà tiré des incendies précédents de 962, 1087 et 1561.
De plus, j’arguerais que chaque reconstruction, de même que la cathédrale physique devenait un peu plus grande, l’échelle psychogéographique la faisait aussi, c’est-à-dire la quantité d’espace qu’elle occupe dans nos esprits. Avec toutes les autres choses qu’elle représente, Saint-Paul est devenu un symbole puissant de la résilience de la ville.
Bien que je ne parle pas pour eux, je parierais que les habitants d'Utrecht, de Barcelone et de Cologne ressentent la même chose à propos de St Martin, de Santa Maria Del Mar et de la cathédrale de Cologne, qui ont tous été ravagés et renaissants , feu à un moment ou à un autre dans leur longue histoire.
Il ne faudra pas 35 ans pour restaurer Notre Dame, qui a survécu aux révolutions et aux guerres et a accueilli le couronnement des rois et le couronnement des empereurs. Le président français Emmanuel Macron a déjà lancé une campagne internationale.
Et chaque fois que cette structure historique rouvrira ses portes au public, son imagination aura pris de l'ampleur et non pas diminué. Alors attendons avec impatience le jour où les cloches de Notre-Dame sonneront de nouveau sur les toits de Paris.
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